Par le truchement de votre rubrique préférée, le "coup de projecteur", profitons de ces deux jours de trêve pour nous intéresser aux performances d'un autre concurrent en perdition, notre inénarrable Thomas.
Tel un bateau fantôme, il divague sans but au milieu du classement, léthargique et indolent. La faute à quoi me direz-vous ? Sans doute à son intuition en carton-pâte, à sa perspicacité en faux marbre ou à son flair en simili cuir, à moins que le mal ne soit plus profond. "Tirez pas sur l'ambulance" chantait Françoise Hardy, alors plongeons-nous dans les fondements de ce champ de ruines, chronique d'un désastre annoncé.
Originaire d'une contrée lointaine, désertique et aréique qui fleure bon le mil et l'igname, le petit Thomas, dernier d'une fratrie de onze enfants, est vendu pour une corbeille de manioc, par une marâtre cupide, à l'orphelinat de Birnin Zana, la capitale du Wakanda. Enfant, il doit lutter pour sa survie en braconnant à l'occasion quelqu'oryx ou autre suricate. Malgré tout, il suit une éducation stricte à la Mission des Pères Blancs où il dévore des best-sellers tel que Tintin au Congo ou les Mémoires d'Albert Sarraut.
Mais à l'âge de douze ans, il est razzié par les hommes de Bobo Bambini et arraché à sa Terre natale direction les plantations de cannes à sucre de La Barbade. Là-bas, il est recueilli par le bon maître Sir John Nicholas Livingstone Heck et son éternel panama vissé sur la tête, qui repère en lui le potentiel d'un mulâtre docile, corvéable et dur au mal.
Malgré l'asservissement et les tâches agricoles harassantes, le coupe-coupe qui lui lacèrent les mains, les coups de bambou gratuits du malfaisant Monsieur Henry Mark German Eckes, notre petit quarteron trouve toutefois la force de composer en secret des sizains qui resteront pour la postérité. Jugez plutôt:
"Ils pensent Afrique, ils pensent soleil. Je pense aux nègres sur La Amistad. Mais petite fille, vivre à ton époque est une époque formidable."
Attendrit et en même temps intrigué par cette éloquence atavique, son bon maître Sir John Nicholas Livingstone Heck se résout à l'affranchir à l'aube de ses seize ans en lui offrant son plus beau panama, signe d'une liberté retrouvée.
Aujourd'hui, il coule des jours heureux en compagnie de celle qu'il surnomme affectueusement "sa patronne", hétéronyme archaïque d'un passé colonial lointain. Bienvenue chez toi Thomas !





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